LE PARDON
L'injure abattu à l'angle de l'esprit
Ruine les desseins en songe de mépris:
Voilà, l'ombre indu maintenant s'épanche,
Envahit les humains, soude les revanches.
Ces pleurs silencieux, en vilenies sournoises,
Troquent toutes raisons de leurs âmes matoises
Contre gestes vicieux, fiels, vils venins,
Libèrent le poison du durable chagrin.
Souhaiter l'échafaud à ces nombreux porteurs
D'injures proférées, de maux et de douleurs
Fait croire aux badauds, en peine adoucie,
La querelle vidée par vengeance transie.
Aussi de conserver, en son sein, comme l'or,
La vaste tristesse des maints courroux retors
En plaisirs éprouvés du malheur ineffable
Donne, là, faiblesse à l'être respectable.
Certes, l'inopportun, le fâcheux, le faquin,
Tous ces tristes sires croisés sur les chemins,
Quand ils auront, chacun, l'offense en bouche
Se devront défaillir quand réponses touchent.
Mais de garder, en soi, cette peste morbide...;
Peut-elle terrasser, comme hier le Cid?
N'importe qui, un roi, un sage ou un saint?
Elle peut terrasser n'importe quel destin!
Saisir le trait de l'affront proféré,
Comprendre le secret des sentiments cabrés
Et en soi le méfait de l'atteinte des maux
Fera, un jour, décret: le tort pur est nabot!
De tout cela, ce sac remplit de tant d'odeurs:
Immondes, infectes, pestilentiel leurre,
Il faut, tout à trac, vider le chargement,
Il faut, de l'abject, éteindre les tourments.
Ainsi l'esprit, guérit, soufflette les outrages,
Ces réels manquements, d'un simple balayage:
L'indignité périt en justes abandons
Que s'épanouisse, séant, le tangible pardon.
THEURIC