C'est, en effet, un étrange sentiment qui m’étreint que de contempler la désagrégation de l'empire étasunien.
Certes, lors de celui de l'U.R.S.S. j'avais déjà, depuis quelque temps, l'âge où la raison commence à tracer le chemin d'existence, mais à cette époque je ne contemplais ces événements que comme simple spectateur en ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait, sauf à entrapercevoir que ce n'était que le monde qui changeait.
Ce n'est que plus tard, bien plus tard, que je commençais à saisir que quelque chose n'allait pas.
Mais quoi?
Je ne percevais pas combien la propagande néolibérale était grande, l'intoxication profonde et moi faible d'un métier qui m'usait.
Seule, en moi, la certitude qu'un immense danger planait au-dessus de chaque têtes d'Homo Sapiens Sapiens, que notre espèce courrait après sa disparition possible.
Ce ne fut que lentement, très lentement que s’élaborait en moi la lucidité suffisante pour repérer le bouillonnement qui agitait le monde, son impulsion, ses pulsions, ses passions, son processus inexorable.
Étrange affaire, en vérité, qui fait qu'un empire, le dernier, l'ultime, l'américain est aujourd'hui bien moins que ce qu'il se pense être, bien moins que ce que tous les peuples du monde pense qu'il peut être.
Lui qui a construit, pas à pas, sa domination en même temps que celui, soviétique, bâtissait la sienne, ces deux jumeaux luttant face à face par des bras interposés, comme Remus et Romulus, se toisant à l'envie en enfants de Mars, Dieu de la guerre, l'un a vaincu, l'autre a disparu.
Lui, triomphant, qui s'était cru de sa toute puissance, superpuissance, suprême puissance n'avait pas compris, alors qu'il était l'unique vainqueur de la guerre froide, que tant il s'accroitrait, tant il s'approcherait au même rythme de sa tombe.
Il n'avait pas compris que la disparition de son frère ennemi soviétique signerait sa fin prochaine, ignorant les signes annonciateurs de sa folie, de son hybris, de sa mégalomanie, de sa vanité, de sa morgue.
Aujourd'hui il se noie dans ce torrent de monnaie que sa banque crache, corne d'abondance d'où ne sort que néant, se noie aussi dans maintes affaires louches qui, jours après jours, agissements après agissements, violent, trahissent et détruisent tout ce que ses vieilles gouvernances et pères fondateurs eurent tant de mal à bâtir.
Aveugle et sourd, ce géant court vers l'abîme qu'il a lui-même creusé.
Ici, chez-nous, en Europe, en France, moult va-nu-pieds suivent ce guide atteint de cécité, l'écoute en extase, suivent ses ukases, obtempèrent en tous points, servent, s'inféodent, sacrifient tout en serviles laquais et nous font nous purger de toutes nos richesses, nous vident de nos biens, ne nous voient qu'en vains gueux, en moindre de faquins.
Il se croient gouverneurs mais ne sont que vassaux.
Nous les contemplons et entendons à chaque heure ces pauvres hères, croyant toucher du doigt un Dieu sans vertus et sans âme, aux billets verts comme seul sainteté, une maison blanche en pauvre cathédrale, de la bourse le seul sacerdoce et la loi du marché en principe divin.
Hormis peut-être l'Allemagne, elle qui exècre autant l'Amérique qu'elle respecte la Russie, voit les restes fumants de l'Europe en se désolant du sud qu'elle a tant ruiné, elle qui se débarrasserait bien de ce poids devenu pour elle tellement inutile.
Elle qui punit la France de cinquante milliards d'économies ruineuses pour avoir bien trop suivit l'imbécile geste guerrière d'union des Amériques expirantes, de lui avoir fait perdre de si juteux marchés.
Elle qui attend, ne pouvant que suivre la misérable fable des intrigues d'Ukraine, comédie dépassant des acteurs médiocres, fable tragique pour comédiens fourbus s'alliant, comme ici, en France, à ces nazis ukrainiens, dérisoires ombres des diables d'antan, en se disant de gauche en sociaux-démocrates.
Quelle pleine dérision!
Tout cela, peut-être, pour que ce vieux et moribond empire d'Amérique engrange encore un peu de l'or que cet ancêtre des russes avait au fond des coffres et peut-être aussi pour que son ancien frère ennemi vende à quelque prix mais sans grand scandale des fonds du trésor U.S. n'ayant plus de valeur.
Ou russes, peut-être aussi, qui ne cherchaient que la ruine achevée de ce rival ancien en l'obligeant à des gesticulations de guerre trop cher pour ce pays ruiné.
Pendant ce temps là les banques et les investisseurs sentent l'affolement monter de se nourrir de vide, ils le taisent et se montrent superbes et impudents, tous les milliardaires du monde se voudraient tels qu'eux sans comprendre que tous ne sont déjà plus rempli que de ce même vide.
"Ce n'est jamais une crise qui est grave mais essentiellement ses suites" écrivais-je auparavant, tout est là:
Ô non, ce ne sera pas la dernière des crises qui traversera le monde, mais ce sera la plus forte, la plus destructrice, la plus dévastatrice que des questions d'économie pourra jamais créer et, surtout, elle pourrait être le germe de grandes calamités avant qu'enfin le monde trouve un peu de calme.
Tant de pays voudrait être Amérique, au centre de l'humanité, détenteur ultime de la toute puissance, être l'empire dominant les peuples de la Terre.
La frustration de se vouloir riche en rêve occidental et de voir s'envoler ce songe, posé en creux de main, en nuées vaporeuses.
Et la colère monter, enfant de frustration, dedans de vieilles nations aux passé si glorieux, violentés hier par un occident barbare.
Ainsi que demain une Europe réveillé par les délires funestes de ses élites futiles et aussi pitoyables qui n'ont eu que de cesse de briser une délicatesse d'âme dont elle était enfin pourvue.
Pauvreté d'argent du peuple provenant de cette pauvreté d'esprit des clercs de notre ploutocratie, indigence du corps répondant à l'indigence de l'intellect dans un semblant de démocratie où la triche et le mensonge est le jeu le plus courant qu'il soit.
Ruses pitoyable d'une gouvernance d'U.E. et de ses affidés nationaux pour garder vaille que vaille l'Europe aux mains des Amériques, U.E. qui, de plus en plus, entre dans la besace des élites d'Allemagne en un euro € en semblance de dollar $ mais copié d'un deutschemark qui nous ronge et nous gâte.
Ces futiles pitoyables ont donc réveillé en nous de cette folle vaillance qui traversa le temps en comblant les cimetières, nous, tout juste assagis, si peu calmés, ayant encore en tête cet héritage d'aïeux aux milles destructions, aux gorges aux cris de guerres poussés en hécatombes, aux larmes, aux pleurs, aux désirs de carnages.
C'est ça que ces sots se sont pris d'éveiller, pas par malveillance et c'est bien ça le pire, par simples crétineries, d'adoration sotte d'un empire en déclin et de sa monnaie fantoche, de la peur et angoisse de dettes imbéciles qui n'auraient jamais dû la moindre exigence, existence, d'une tragédie de banque qui, plutôt que de faillirent, nous ruine de leur impéritie, de vendre de nos biens collectifs à leurs petits copains, à leur maître adorés ou à tous ceux présentant ces dollars chéris.
Ou même aux allemands qui s'en régalent déjà.
Voilà où nous en sommes de la fin de l'empire de l'autre pas de l'océan, bientôt n'en restera plus qu'un très vague souvenir, pas celui d'hier qui faisait chanter Jacques Brel "que Madeleine, elle est mon Amérique à moi".
Cette Amérique n'est plus depuis longtemps, qu'en reste de misérables scories bientôt évanescentes et cette disparition fera bien du malheur.
Mais peut-être ne pouvait-il pas en être autrement?
D'en être conscient ne nous permettrait-il pas d'amenuiser, autant que faire ce peut, ce risque de chocs titanesque?
THEURIC