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Fiction 6) Le retraité

 

Le vieille homme entra sans même préalablement frapper à la porte et vint saluer le quinquagénaire assis derrière le bureau encombré de dossiers épars se trouvant devant lui:

« Bonjour André, » lui dit-il avec toujours la même voix de stentor. Il lui tendit la main par-dessus le meuble « Encore besoin d'un vieillard comme moi et devoir me sortir de la naphtaline de la retraite ? »

L'autre homme, se levant presque brutalement, lui serra la main avec un air discret de déférence envers son vis-à-vis, seule personne produisant, chez lui, une réaction d'un tel respect :

« Bonjour monsieur Duhauchamp, vous n'êtes pas le seul à être sorti de la naphtaline, je fus moi-même placé près de dix ans dans un splendide placard et n'en suis sorti que voilà peu, mais je vous en prie, asseyez-vous, » dit-il en désignant le siège se trouvant devant lui.

Ils s'installèrent tous deux.

« Alors, » demanda le patriarche, « que me vaut ces joyeuses retrouvailles, l'état se serait-il dans de telles préoccupations qu'il doive ainsi faire appel à la vieille barbe que je suis ? » Il regarda le bureau, « à ce que je vois, tu es toujours autant désordonné !

-C'est là l'un de mes petits défauts, mais, rassurez-vous, je m'y retrouve toujours...

-Quant tu étais sous mon autorité, cela n'a cessé de me causer irritation et ébahissement : que tu puisses t'y distinguer dans ce capharnaüm me reste un mystère, enfin, j'imagine que ce n'est pas pour discuter de ton manque de rangement que tu m'as demandé de venir ici ?

-Non, c'est pour vous demander de reprendre du service.

-Expliques-toi !

-Depuis que les bourses et les monnaies se sont effondrées les pays émergents ont quasiment tous nationalisé les entreprises qui sont sur leur sol faisant fuir les entrepreneurs installés là-bas...

-Ça, jeune homme, ce n'est même plus de notoriété publique, c'est de l'évidence.

-Il est vrai, le retour des industriels en Europe fait la une de tous les médiats, c'est justement pour cela que je vous ai invité, mais permettez-moi, avant tout, de vous en expliquer les raisons : En plus d'être devant un cruel manque de matières premières et de produits manufacturés...

-Ainsi que de nourriture, aujourd'hui les obèses ont disparu, je bois de l'orge grillé comme substitut au café du petit déjeuné et le chocolat est devenu introuvable.

-Vous avez raison, à un point que vous ne vous imaginez pas, nous comptons même établir des tickets de rationnement, l'agriculture européenne suffit à peine, nous devons limiter tout gaspillage.

-Mazette ! » L'ancien fit une brève pause, « je m'attendais bien à ce que nous soyons sur la paille, le néo-libéralisme ne pouvant, à terme, que lessiver l'Europe, mais que nous soyons contraint de revenir à des extrémités de temps de guerre me laisse tout de même pantois.

-Plus encore, nous manquons de personnels formés et d'ouvriers qualifiés, d'ingénieurs, de techniciens, ceux qui le sont, sont déjà embauchés et les entreprises ne peuvent pas se passer d'eux, sans compter que d'avoir abaissé les barrières douanières à fait exploser le nombre de création de P.M.E et de P.M.I.. Bien des professionnels sont partis à la retraite, les sidérurgistes, les mineurs, les tourneurs fraiseurs, les soudeurs, même les paysans, tous ces métiers et beaucoup d'autres ne sont plus représentés que par de rares spécialistes qui ont dès lors trouvé un emploi, et bien payé, je vous prie de me croire. Nous risquons de rétablir le service militaire et nous manquons de personnels pour les encadrer, ont en trouve beaucoup, là aussi, chez les retraités. Les deux dernières décennies ont été passées à former des comptables, des responsables des ressources humaines et des commerciaux à tour de bras mais quasiment plus de manuels et bien peu d'intellectuels, pas suffisamment en tout cas, sauf dans le bâtiment et avec la ruine des monnaies et des bourses, le bâtiment, comme vous le savez, à suivit.

-Si je te suis bien, il faut former autant d'ingénieurs pour construire des hauts-fourneaux et creuser des puits de mines que des sidérurgistes et des mineurs ? Mais moi, que viens-je faire dans tout cela ? Je ne pense pas que ce soit pour me faire un discourt sur le manque de formation de l'ouvrier et du cadre supérieur que tu m'as demandé de sortir de chez moi dans cette bouillasse de neige fondue !

-Évidemment que non, je suis conseillé auprès du ministre du redressement productif...

-Dénomination oiseuse, ridicule et joliment pompeuse qui a remplacée ministre de l'industrie, comme si les seuls mots et même les mots seuls suffisaient pour toute action !

-En cela, vous n'avez pas tord. Donc, en tant que conseillé je suis chargé de la formation professionnelle. Or ce sont les retraités qui détiennent tout le savoir faire dont nous aurions besoin mais je suis devant un mur de génération et j'avoue que je ne sais trop comment faire avec les anciens.

-Ô, tu sais, un vieux est pareil qu'un jeune mais en plus fragile.

-C'est cette fragilité là qui fait ma difficulté, en fait ce que je vous demanderais ce serait de me conseiller pour tout ce qui concerne les personnes de votre génération.

-Moyennant rétribution.

-Cela va de soit.

-Je deviendrais, en quelque sorte, le conseillé du conseillé. »

Tous deux de sourire.

« Pourrais-je vous inviter au restaurant ? J'en connais un excellant pas bien loin et cela me ferais plaisir de vous y inviter, nous en profiterions pour discuter plus avant de ce que j'attendrais de vous.

-C'est avec joie que j'accepte ton invitation. »


THEURIC

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